30 mar
2018

L'Autorité formule des recommandations à l'égard d’un moteur de recherche concernant le déréférencement d’URL’s

Suite à une plainte de 2016, l'Autorité publie l'avis 75/2017 assorti de recommandations à l’attention d’un moteur de recherche pour le déréférencement d’URL’s. La plainte concernait des URL's reprenant des informations inexactes qui associaient les plaignants à des faits graves dont ils n’ont jamais été inquiétés.


Les principaux griefs des plaignants concernés tenaient à ce que le déréférencement des URL's par le moteur de recherche demeurait :

  • partiel dès lors que les URL’s bloqués ne l'étaient ni sur le domaine ".com" (excepté depuis le territoire de la Belgique), ni à partir des pays hors Union européenne ;
  • inefficace dès lors que, d’une part, il suffit de changer l’écriture de l’URL pour que le contenu du lien litigieux réapparaisse et que, d’autre part, en ajoutant les noms et prénoms comme mots-clés dans les critères de recherche, l’URL est accessible sur le moteur de recherche.

De la sorte, les plaignants estiment que le déréférencement ne répond pas à leurs droits en vertu de l’article 12 de la loi vie privée.

Après examen des arguments soulevés respectivement par les deux parties, l'Autorité a déclaré la plainte recevable et fondée. Elle estime qu'un moteur de recherche doit – en tant que responsable du traitement –choisir la solution la plus protectrice, dès lors que le préjudice est acquis et que le droit au déréférencement est reconnu et non contesté par le moteur de recherche. Un déréférencement limitativement effectué (d’un point de vue territorial) ne peut être considéré comme satisfaisant au regard de l’article 12 de la loi vie privée et de "l'arrêt Google Spain" (du 13 mai 2014) de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

En effet, si cet arrêt ne se prononce pas sur l’étendue géographique de la portée du déréférencement d'URL's mis à charge des moteurs de recherche, il ne le limite pas non plus de manière expresse aux seuls noms de domaines accessibles depuis le territoire de résidence des plaignants, aux seuls territoires de l’Union européenne, ni n’exclut le domaine ".com". Or, les différentes extensions d’un moteur de recherche ne peuvent être considérées autrement que comme autant de chemins d’accès techniques à un seul et même moteur de recherche, permettant un seul et même traitement. Les URL's du moteur de recherche ne peuvent dès lors faire l’objet de décisions de blocages différenciées selon ses origines de localisation territoriale "artificielles".
Selon l'Autorité, une limitation territoriale du déréférencement d'URL's, telle qu'appliquée par le moteur de recherche, prive d’effets utiles l’exercice du droit à la protection de la vie privée.

L'Autorité demande au moteur de recherche de reconsidérer son approche territoriale pour le déréférencement d'URL's en ne se limitant pas aux seules extensions européennes et au domaine ".com" et en opérant, pour l’ensemble de ses extensions, le même déréférencement tel qu’accordé aux personnes concernées, à moins qu'il soit démontré pour certains pays que de tels déréférencements constitueraient une infraction au droit national concerné.

En outre, l'Autorité invite le moteur de recherche à mettre en place un système de blocage évitant toute réapparition de l’URL litigieux sur la base d’autres mots-clés ajoutés aux noms et prénoms des personnes concernées.

Enfin, l'Autorité rappelle que le déréférencement n’a ni pour but, ni pour effet, de supprimer définitivement un lien litigieux. Le lien demeure accessible sur la base de sa mention complète dans une fenêtre Internet. L’accessibilité du lien qui existe ainsi ne relève pas de la responsabilité du moteur de recherche, pas plus qu’il ne lui appartient de supprimer le contenu de la page Internet correspondant à ce lien. Prétendre le contraire reviendrait à permettre à un moteur de recherche d’opérer une censure, ce qui ne pourrait être admis.